Désignation de l’avocat pendant la garde à vue : seule la personne avisée d’une garde à vue peut le désigner

Se rapportant à une affaire largement médiatisée, l’arrêt commenté permet de préciser les conditions de désignation d’un avocat par la personne avisée d’une mesure de garde à vue.

Selon l’article 63-2 du Code pénal, toute personne placée en garde à vue peut faire prévenir une personne avec laquelle elle vit habituellement, ou l’un de ses parents en ligne directe, ou l’un de ses frères et sœurs : le proche ainsi averti peut préconiser l’intervention d’un avocat, dont la désignation doit être confirmée par la personne suspectée (C. pr. pén., art. 63-3-1).

Par un arrêt en date du 19 octobre 2021 (Pourvoi n°21-81.659), la Cour de Cassation est venue préciser les conditions d’intervention d’un avocat au cours de la garde à vue lorsque le proche du mis en cause désigne un avocat.

Au cas de l’espèce, la jeune femme avait demandé à faire avertir sa mère – et non son père, de la mesure prise à son égard.

La défense se plaignait de ce que la désignation d’un avocat, faite par le père de l’intéressée au cours de la garde à vue, n’ait pas été suivie d’effet, nonobstant l’intervention effective d’un autre conseil. Pour rejeter l’argument, la chambre de l’instruction avait estimé que le père était irrecevable à désigner un avocat dans la mesure où il n’avait pas été personnellement avisé de la mesure coercitive.

Adoptant une lecture restrictive des dispositions susmentionnées, la Cour de cassation, dans cet arrêt, a entériné l’analyse de la chambre de l’instruction : seule la personne informée en application de l’article 63-2 du code de procédure pénale, à l’exclusion des autres qui y sont mentionnées, peut désigner un avocat pour assister le suspect. Respectueuse de la lettre du texte, cette interprétation est également conforme, selon la chambre criminelle, aux travaux parlementaires relatifs à la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, en permettant de garantir l’existence d’une relation de confiance avec le tiers préconisant l’intervention d’un avocat.

D’aucuns verront peut-être ici une sévérité excessive : on peut aisément comprendre que celui des parents avisés puisse s’en remettre – pour de multiples raisons (entre autres : de disponibilité, d’entregent, de tempérament), à son conjoint pour procéder à la désignation. Dès lors que la loi n’impose pas même que la personne avisée soit informée de la possibilité de désigner elle-même un conseil, l’effectivité de ce droit pourrait alors paraître particulièrement « théorique » (v. not. circ. du 23 mai 2011 relative à l’application des dispositions relatives à la garde à vue de la loi n° 2011-392 du 14 avr. 2011 relative à la garde à vue).

En tout état de cause, les praticiens sont avertis : l’avocat devra contrôler rigoureusement les conditions dans lesquelles son mandat lui a été confié afin d’être certain de pouvoir demander à intervenir utilement.

Pour lire la décision, cliquez ici

Purge des nullités en matière criminelle : L’article 181 alinéa 4 CPP non-conforme à la Constitution

Par sa décision n° 2021-900 QPC en date du 23 avril 2021, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les dispositions de l’article 181 alinéa 4 du Code de procédure pénale.

Au travers de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l’article 181 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 24 novembre 2009.

Selon ce texte, « lorsqu’elle est devenue définitive, l’ordonnance de mise en accusation couvre, s’il en existe, les vices de la procédure ».

En d’autres termes, le mécanisme de purge des nullités rend irrecevable, une fois l’ordonnance de mise en accusation devenue définitive, toute exception de nullité visant les actes de la procédure antérieure à cette ordonnance. La jurisprudence a déjà donné de nombreuses illustrations de ce principe. Il a par exemple déjà été rappelé que méconnaît le sens et la portée des articles 181, alinéa 4, et 215, selon lesquels la décision de mise en accusation, lorsqu’elle est devenue définitive, couvre, s’il en existe, les vices de procédure, la cour d’assises qui, après avoir accueilli une exception de nullité prise du défaut d’impartialité d’un enquêteur ayant participé à l’enquête préliminaire, prononce l’annulation de la procédure (Crim. 10 juin 2009, n° 09-81.902 P, Dalloz actualité, 8 juill. 2009, obs. C. Girault ; D. 2009. 2238, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2009. 414, obs. G. Royer ).

Plus récemment, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a énoncé qu’en application de l’article 181 du code de procédure pénale, lorsque la décision de mise en accusation est devenue définitive, l’accusé n’est plus recevable à invoquer, à l’appui de sa demande de mise en liberté, l’irrégularité prétendue du titre de détention provisoire antérieur (Crim. 18 juin 2019, n° 19-82.358 P, D. 2019. 1286).

En l’espèce, le requérant considère que le quatrième alinéa de l’article 181 du code de procédure pénale méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense, faute de prévoir des exceptions lorsque l’accusé n’a pas été régulièrement mis en examen, a été privé de sa qualité de partie à la procédure et n’a pas reçu notification de l’ordonnance de mise en accusation.

Pour aboutir à la non-conformité totale du texte contesté, le Conseil constitutionnel rappelle qu’en application de l’article 16 de la déclaration de 1789, il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

Sans surprise, les Sages soulignent leur attachement au respect des droits de la défense qu’ils font aussi découler de ce texte. Il est vrai qu’en application de l’article 170 du code de procédure pénale l’accusé peut en principe contester utilement les nullités avant qu’intervienne leur purge. Toutefois, le Conseil constitutionnel souligne avec pragmatisme que l’exercice de ces voies de recours suppose que l’accusé ait été régulièrement informé, selon le cas, de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information ou de l’ordonnance de mise en accusation. In casu, il est fait grief aux dispositions contestées de ne prévoir aucune exception à la purge des nullités en cas de défaut d’information de l’intéressé ne lui ayant pas permis de contester utilement les irrégularités de procédure « et alors même que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence ».

Les Sages en concluent que ce texte, dont l’abrogation est reportée au 31 décembre 2021, méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense. La décision prévoit une réserve transitoire. En effet, cette déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours ou à venir lorsque la purge des nullités a été ou est opposée à un accusé en cas de défaut d’information ne lui ayant pas permis de contester utilement les irrégularités de procédure et alors même que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence.