L’instauration d’un code de justice des mineurs

Le 13 septembre 2019, l’ordonnance réformant le texte de 1945 sur la justice des mineurs est parue au Journal Officiel.

Elle prévoit l’instauration d’un Code de la justice pénale des mineurs, contenant deux innovations importantes : une présomption de non-discernement pour les mineurs âgés de moins de 13 ans et la création d’une procédure de jugement en trois temps.

L’article L. 11-1 du code prévoit ainsi que « lorsqu’ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l’article 388 du Code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables. Les mineurs de moins de 13 ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins 13 ans sont présumés être capables de discernement ».

Le texte créé également une « procédure de mise à l’épreuve éducative » qui se découpe en trois temps :

– une audience d’examen de la culpabilité dans les trois mois suivants la commission des faits pour confronter l’auteur à sa responsabilité et indemniser la victime ;

– une mise à l’épreuve éducative de 6 à 9 mois au cours de laquelle des mesures éducatives pourront être prononcées ;

– une audience à l’issue de laquelle une sanction pénale pourra être prononcée.

Cette ordonnance, qui peut encore fait l’objet de modifications au Parlement, n’entrera en vigueur que le 1er octobre 2020.

Le fichage des mineurs non accompagnés déclaré conforme à la Constitution

Voici l’objet de l’amendement n° 395 (TA Sénat n° 395, 2018-2019) déposé lors de la première lecture de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (L. n°2018-778, 10 sept. 2018, JO 11 sept.).

« Afin d’améliorer la phase d’évaluation, les auteurs de cet amendement souhaitent permettre la prise de photographies et l’examen dactyloscopique des prétendus mineurs non accompagnés entrés sur le territoire national, en l’absence de tout document d’identité susceptible de faire l’objet de vérification sur leur authenticité ».

L’article 611-6-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, instituant le fichier biométrique des mineurs isolés, a fait l’objet de nombreux débats. Le Conseil constitutionnel vient de le juger conforme à la Constitution.

Intitialement, les sénateurs souhaitaient insérer un article dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de manière à prévoir que :
« Les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers qui sollicitent la protection des conseils départementaux en charge de la protection de l’enfance peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le consentement de l’étranger évalué au relevé de ses empreintes digitales et photographiques est recueilli, dans une langue comprise par l’intéressé, ou dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend.
Le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie »
.

La rédaction de l’article figurant ci-dessus a fait l’objet de nombreuses modifications jusqu’au vote de la loi. Il sera même supprimé par un amendement déposé à l’Assemblée nationale (TA AN n°CL72, 2018-2019) par une dizaine de députés. Les parlementaires relevaient qu’« aucune indication n’est précisée quant à la nature du fichier ».

Cet amendement a été adopté, et donc l’article instituant un fichier national biométrique pour les mineurs isolés supprimé.

Mais il faudra attendre quelques jours pour que le gouvernement dépose un amendement réintégrant le fichier biométrique avec pour double objectif : assurer la protection de l’enfance et lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers. Le traitement des données doit permettre aux collectivités départementales et les services de l’aide sociale à l’enfance qui les prennent en charge d’assurer un suivi plus rapproché des mineurs non accompagnés.

L’amendement (TA AN, n° CL330, 2018-2019) est rédigé comme tel :
« Après l’article L. 611‑6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 611‑6‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 611‑6‑2. – Afin de mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers se présentant comme mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.
Un décret en Conseil d’État, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article. Il précise la durée de conservation des données enregistrées et les conditions de leur mise à jour, les catégories de personnes pouvant y accéder ou en être destinataires ainsi que les modalités d’exercice des droits des personnes concernées
».

L’amendement initialement adopté fera ensuite l’objet de plusieurs modifications. Le terme « présentant comme » sera remplacé par « déclarant » selon l’amendement n° 505 (TA AN, n° 505, 2018-2019) déposé devant l’Assemblée nationale. Et le gouvernement a inséré l’alinéa suivant via l’amendement n° 515 (TA AN, n° 515, 2018-2019) : « Les données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. La conservation des données des personnes reconnues mineures est limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle ».

Finalement, l’article 611-6-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction finale issue de la loi du 10 septembre 2018 (L. n°2018-778, 10 sept. 2019, JO 11 sept.), dispose que :
« Afin de mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.
Les données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. La conservation des données des personnes reconnues mineures est limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle.
Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article. Il précise la durée de conservation des données enregistrées et les conditions de leur mise à jour, les catégories de personnes pouvant y accéder ou en être destinataires ainsi que les modalités d’exercice des droits des personnes concernées ».

Une fois introduit, cet article a suscité des critiques.

Le Défenseur des droits a notamment demandé l’abandon du projet de décret relatif à la mise en œuvre du fichier national biométrique des mineurs non accompagnés. Le 27 juin dernier, quinze départements ont déclaré s’opposer à ce nouveau système, selon Le Monde.

La ville de Paris notamment, refuserait de mettre en place ce fichier.

Faisant l’objet d’une polémique depuis le début, de nombreuses associations, comme la Défense des enfants international, Unicef ou encore la Ligue des droits de l’homme, ont attaqué la création de ce fichier biométrique. C’est ainsi qu’elles ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil d’Etat qui a saisi le Conseil constitutionnel le 16 mai 2019.

Les dispositions contestées prévoient que les ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille feront l’objet d’un traitement automatisé avec la photographie et les empreintes digitales.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019 (Cons. const. QPC, 26 juil. 2019, n° 2019-797), a estimé que « ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur » donc ne méconnaissent pas l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le Conseil précise aussi que le traitement automatisé « vise à faciliter l’action des autorités en charge de la protection des mineurs et à lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France », le législateur a donc mis en œuvre le principe de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant tout en poursuivant l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre l’immigration particulière.

Pour le Conseil constitutionnel, « le législateur a opéré entre la sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée une conciliation qui n’est pas disproportionnée » : l’article L. 611-6-1 « doit être déclaré conforme à la Constitution ».

Le Syndicat de la Magistrature et les autres organisations ont fait savoir leur mécontentement via un communiqué de presse appelant « les départements à assumer leur rôle de garants de la protection de l’enfance en s’opposant à la mise en place du fichage de biométrique ».

Le Conseil national des barreaux a aussi rappelé sur LinkedIn son opposition au fichage « qui assimile ces enfants à des fraudeurs plutôt qu’à des enfants en danger ».

Pour lire la décision, cliquer ici.