La cour criminelle départementale siège pour la première fois

La cour criminelle départementale est une juridiction expérimentale composée de cinq magistrats professionnels chargée de juger les crimes punis de vingt ans de réclusion criminelle.

Cette Cour présenterait le double avantage de soulager l’audiencement des cours d’assises et de mettre fin à la pratique de la correctionnalisation des viols. Il apparaît ainsi que la cour criminelle jugera ainsi essentiellement des viols, qui représentent environ la moitié des affaires jugées aux assises.

Hier, jeudi 5 septembre 2019, la Cour criminelle départementale a eu à juger sa première affaire depuis sa création par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, publiée au journal officiel le 24 mars 2019 (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, JO 24 mars 2019).

Arnaud K., un grand baraqué de 36 ans est accusé de tentative de viol sur Cécile L. R., qui aurait 44 ans si elle n’avait péri dans un accident en 2012.

Arnaud K. aurait comparu devant une cour d’assises si la date de son procès n’avait pas coïncidé avec la première audience d’une cour criminelle départementale, qui s’est déroulée jeudi 5 septembre à la cour d’appel de Caen.

Le 30 novembre 2007, Cécile L. R. a porté plainte contre X., et résume ainsi les faits aux policiers : la veille, elle rentre d’un bar où elle a passé la soirée avec des amis. Il est environ 4 heures du matin. Elle se sait ivre (8 verres d’alcool), mais ne titube pas. Tout de même, le doigt incertain, elle met un peu de temps à taper son code. Elle monte l’escalier, rentre chez elle et s’assied sur son canapé pour enlever ses chaussures. Soudain : dans l’entrée, un homme la regarde. Elle avait omis de fermer sa porte. L’homme la ceinture et la conduit dans sa chambre. Là, il lui ôte ses vêtements du bas et tente de la violer. Elle se débat de toutes ses forces (« Franchement, j’étais à fond », dit-elle aux policiers), tandis qu’il tente, dit-elle, de la maintenir en plaquant ses mains sur son visage. Elle met finalement son agresseur en fuite, après l’avoir frappé tous azimuts avec l’énergie du désespoir. Groggy, elle ramasse quelques affaires et file chez son amie Muriel, qui habite non loin. « Je l’entendais suffoquer dans l’interphone », dit Muriel aux policiers. Cécile L. R. lui raconte les faits, manifestement choquée. Il est 5h15. Avant de se coucher, Cécile L. R. hurle : « Je n’ai plus ma culotte ! »

La culotte est restée sur le sol de son salon. Les analyses y décèlent trois ADN : le sien et ceux de deux hommes inconnus des fichiers. Faute d’éléments, l’enquête stagne, longtemps, jusqu’à ce qu’à l’occasion d’une autre procédure, en juin 2012, l’ADN d’Arnaud K. soit intégré au fichiers national des empreintes génétiques. Il correspond à l’un des deux ADN retrouvés sur la culotte de Cécile L. R., à celui retrouvé sous les ongles de Cécile L. R. et à celui contenu dans des poils retrouvés dans la chambre. Arnaud K. est convoqué, informé des faits qui lui sont reprochés, placé en garde à vue et mis en examen pour viol, astreint à un contrôle judiciaire. Il clame son innocence et souhaite une confrontation avec la victime, mais hélas, celle-ci est morte le 1er avril 2012. Sept ans plus tard, le voilà devant la nouvelle juridiction criminelle.

L’affaire est simple, ni l’accusation, ni la défense, ni la présidente n’ont jugé opportun de faire citer des témoins ou des experts, comme c’est le cas devant les cours d’assises. Le but étant d’aller plus vite pour juger, les procès sont audiencés sur une durée moindre qu’aux assises. Peu de place pour des témoins, même pour Muriel, cette amie proche qui a recueilli la plaignante juste après les faits. Cela donne incontestablement à cette cour des airs de tribunal correctionnel.

À la fin de la journée, la Cour a délibéré : Arnaud K. est condamné à cinq ans, dont trois ans assortis d’un sursis simple et son inscription au fichier national des empreintes génétiques. En attendant l’aménagement de sa peine, il est incarcéré pour quelques jours.

Le juge d’instruction

Le juge d’instruction représente à lui seul la juridiction d’instruction du premier degré pour les affaires pénales de droit commun. Il est un juge unique appartenant au tribunal de grande instance et il est investi de ces fonctions par décret du président de la République.

Le juge d’instruction a classiquement une double mission d’information et de juridiction.

Le pouvoir d’information

La mission première du juge d’instruction consiste à rassembler les preuves nécessaires sur une affaire dont il a été saisi. Il instruit à charge et à décharge, c’est-à-dire qu’il doit non seulement rechercher les preuves de l’éventuelle culpabilité du mis en examen, mais aussi les preuves de sa possible innocence (article L. 81, Code de procédure pénale).

S’il existe des indices graves et concordants laissant penser que la personne suspectée a pu commettre une infraction, celle-ci est mise en examen et le juge d’instruction va rechercher s’il y a des charges suffisantes ou non pour la renvoyer devant une juridiction de jugement (article L. 80, Code de procédure pénale). A cette fin, il peut procéder à tout actes d’instruction : interrogatoire du mis en examen, auditions de la partie civile et des témoins, confrontations, perquisitions, saisies, transport sur les lieux, désignation d’experts, …

Le juge d’instruction possède un pouvoir redoutable de contrainte par l’intermédiaire de mandats qui sont de plusieurs types (article L 122 du Code de procédure pénale) :

  1. le « mandat de comparution » qui permet de convoquer la personne à un jour déterminé,
  2. le « mandat d’amener », où la force publique peut intervenir pour conduire l’intéressé devant le juge d’instruction,
  3. le « mandat d’arrêt » dans le cas où la personne est en fuite, qui impose à la force publique de rechercher la personne mise en examen et de la conduire dans une maison d’arrêt afin d’y être par la suite interrogée par le juge d’instruction,

Le juge d’instruction a la faculté de désigner un technicien pour procéder à une expertise ou d’ordonner commission rogatoire à un officier de police judiciaire pour effectuer certaines opérations à sa place (auditions, …).

Le juge d’instruction peut demander le placement en détention provisoire du mis en examen, mais c’est le juge des libertés et de la détention qui prendra cette décision (article L. 137 à 137-5, Code procédure pénale).

Le pouvoir de juridiction

Au cours de l’instruction, le juge d’instruction peut être amené à statuer sur la recevabilité de la plainte, sur sa propre compétence ou sur l’opportunité des actes d’instruction qui lui sont demandés par une partie (le mis en examen ou la partie civile).

A l’issue de l’instruction, il lui appartient de décider s’il y a lieu de renvoyer la personne mise en examen devant une juridiction de jugement, ou au contraire de l’exonérer de toute poursuite.

Le juge d’instruction communiquera une ordonnance de non-lieu dans le cas où les charges ne lui paraissent pas suffisantes, ou au contraire une ordonnance de renvoi de la personne mise en examen devant la juridiction de jugement dans le cas où les charges lui paraissent justifiées (article 175 à 184, Code de procédure pénale). Il n’a aucun pouvoir d’appréciation sur la culpabilité ou l’innocence de la personne poursuivie, ce pouvoir appartenant à la juridiction de jugement compétente. Les décisions du juge d’instruction sont susceptibles d’appel devant la Chambre de l’instruction dans un délai de 10 jours.