Code de justice des mineurs : de nouvelles mesures à l’étude

Une présomption d’irresponsabilité sous treize ans

L’article premier du futur code crée des présomptions d’irresponsabilité et de responsabilité, selon que le mineur a moins de 13 ans ou qu’il a atteint cet âge. Il s’agit de simples présomptions, qui pourront être renversées par le juge. En dessous de cet âge, les enfants relèveront de mesures d’assistance éducative judiciaires.

La loi française établissait un principe de responsabilité pénale mais sans fixer d’âge, contrairement à la plupart des pays européens (toutefois, plusieurs mesures, dont la détention provisoire, ne pouvaient être prononcées avant 13 ans). En Espagne, Allemagne et Italie, le seuil est à 14 ans

Autre principe général, l’article 2 indique que « toute décision prise à l’égard d’un mineur […] tend à assurer son relèvement éducatif et personnel et à prévenir la récidive, dans le respect des intérêts des victimes ».

Par ailleurs, le texte indique que les mineurs poursuivis, mais également condamnés, seront assistés par un avocat, qui, « dans la mesure du possible », sera le même pour toute la procédure. Le projet prévoit aussi qu’à tout moment, il pourra être proposé le recours à la justice restaurative.

Une nouvelle boîte à outils : la mesure éducative judiciaire

Le texte regroupe les mesures pouvant être prononcées en deux mesures éducatives : l’« avertissement judiciaire » et la « mesure éducative judiciaire ». Celle-ci permettra au juge de prononcer des interdictions d’aller et venir, des confiscations d’objets, des obligations de suivre un stage mais également quatre « modules » cumulables : un module insertion, un module réparation (à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité), un module santé (placement en établissement médico-social ou de santé hors psychiatrie) et un module placement (établissement ou chez une personne digne de confiance).

Le juge pourra à tout moment modifier le contenu de la mesure éducative judiciaire. Elle pourra être ordonnée si l’enfant est devenu majeur (mais l’exécution ne pourra se poursuivre après 21 ans). Une mesure commune à différentes procédures pourra être prononcée dès lors qu’elles concernent un même mineur. La mesure éducative judiciaire pourra se cumuler avec d’autres mesures d’investigation ou avec une peine.

Une nouvelle procédure : la mise à l’épreuve éducative

Pour les délits, le projet réforme la procédure de droit commun autour de la « mise à l’épreuve éducative ». Le mineur serait convoqué devant le juge des enfants pour une première audience sur la culpabilité dans un délai de trois mois. Dans l’attente, le juge pourrait prononcer des mesures provisoires d’investigation, éducatives ou de sûreté. Pour les mineurs de moins de 16 ans, la détention provisoire n’est possible qu’en cas de révocation du contrôle judiciaire.

En cas de déclaration de culpabilité, la décision sur la sanction serait renvoyée six ou neuf mois après le temps de cette mise à l’épreuve. Le juge pourra alors ordonner une mesure éducative judiciaire, une mesure d’investigation sur la personnalité et des mesures de contrôle judiciaire. Cette attente permettra de juger de l’évolution du mineur avant de prononcer la sanction. En cas de réitération du mineur, les décisions sur la sanction finale seraient regroupées.

Exceptions à cette procédure de droit commun

Une audience unique pourra avoir lieu si la personnalité du mineur est connue ou lorsque les faits sont peu graves. Pour les mineurs multirécidivistes, le procureur de la République pourra aussi déférer le mineur devant le tribunal pour enfants (il pourra alors demander un placement en détention provisoire d’un mois). Enfin, pour les affaires criminelles ou complexes, l’information judiciaire confiée à juge d’instruction est maintenue.

Les alternatives aux poursuites pouvant être proposées par le procureur de la République sont étendues (stage civique, consultation d’un psychiatre ou un psychologue, justification de l’assiduité scolaire ou « mesure de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité »). Enfin, le projet assouplit les règles de publicité des audiences pour les enfants devenus majeurs et la transmission des informations du dossier unique de personnalité aux avocats des parties civiles.

Voir le projet de code de justice des mineurs

La loi Justice votée dans la douleur

Initialement, le Gouvernement souhaitait que les députés étudient le projet de loi en une seule semaine d’hémicycle, entre le 19 et le 25 novembre. Mais l’arrivée surprise d’un amendement pour réformer la justice des mineurs par ordonnances a considérablement ralenti les débats. Constatant l’impossibilité d’aboutir dans le temps prévu, l’étude a dû reprendre dix jours plus tard.

Souvenez-vous que début décembre, le Gouvernement espérait encore boucler son texte en trois séances. Mais la crise des gilets jaunes est venue parasiter les débats. Et il aura fallu deux longues séances pour le seul article 53 sur la fusion des tribunaux d’instance (TI) et des tribunaux de grande instance (TGI). La fusion TI/TGI a souvent été amalgamée avec la réforme de la carte judiciaire Dati. D’où un dialogue de sourds entre une opposition volontairement alarmiste et un Gouvernement jurant qu’il ne fermerait aucun lieu de justice.

Mais cela n’a pas suffi et le texte a dû alors être repoussé une deuxième fois pour revenir en quatrième semaine. Le 10 décembre étant finalement occupé par la loi Brexit, un troisième report a conduit a l’étude des derniers articles le 11 suivant. Commencé sur un ton solennel (l’Assemblée venait d’apprendre la fusillade de Strasbourg), l’hémicycle s’est rapidement agité.

De nombreux députés de la majorité, convoqués à l’Élysée, avaient séché l’hémicycle. Et le groupe Libertés et territoires, huitième groupe parlementaire (composé de régionalistes, radicaux, UDI, socialistes en rupture de ban) a voulu faire un coup d’éclat. Alors que, pendant quatre semaines, ses députés avaient été absents, ils ont fait part de leur mécontentement, en raison de mauvais traitement que leur fait subir le groupe majoritaire (locaux, moyens, etc.). Dix des seize membres du groupe étaient ainsi présents au moment du vote sur la loi ordinaire à 00h45.

Le faible écart du scrutin public (88 pour, 83 contre, 6 abstentions) a surpris le Gouvernement, qui n’est pas passé loin du rejet du texte et de la catastrophe. Six députés de la majorité se sont en outre abstenus, alors même qu’ils n’avaient pas fait entendre leur mécontentement en séance.

La commission mixte paritaire entre députés et sénateurs, convoquée le 13 décembre, a échoué : presque tous les apports du Sénat ayant été supprimés.

L’Assemblée a adopté très peu d’amendements significatifs et est revenue sur la majorité des modifications du Sénat. Outre l’ordonnance, d’autres amendements sur la justice des mineurs ont été adoptés.

En vrac les réformes suivantes :

– Sur le fichage génétique, le rapporteur est revenu sur la notion d’ADN non codant et les recherches en parentalité hors ligne directe.

– La représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation a été supprimée.

– L’Assemblée a élargi les pouvoirs du renseignement pénitentiaire et modifié le régime des fouilles en détention.

– Deux amendements du gouvernement vont encadrer, en matière correctionnelle et criminelle, la durée de la détention provisoire dans l’attente du jugement en appel.

Un amendement a précisé l’action civile devant les juridictions répressives et un autre prévoit l’agrément des associations d’aide aux victimes.

– Le Gouvernement a modifié la compétence universelle sur les crimes contre l’humanité et élargi au terrorisme l’enregistrement des procès.

Le rapporteur a souhaité permettre aux services scientifiques de police et de gendarmerie d’être désignés en qualité d’experts.

– L’amende forfaitaire délictuelle a été étendue aux délits d’occupation d’un hall d’immeuble et les infractions liées aux débits de boisson.

– Les députés ont aussi voulu faciliter le PSEM en matière de violences conjugales.

Enfin, un amendement veut permettre la fusion des greffes du tribunal judiciaire et des conseils de prud’hommes d’une même commune.

Rappelons qu’une grève a été votée par le Conseil de l’Ordre des Avocats de PARIS le 11 décembre au soir pour le 12 suivant. Il s’agit d’une grève reconductible invitant les avocats à ne pas assurer de permanences, de plaider les dossiers (même relatifs à de la détention provisoire). En cause, une réforme sur la justice des mineurs relativement insuffisante et dangereuse.

Pour la nouvelle lecture par l’Assemblée, l’examen en commission se fera le mercredi 19 décembre (mais l’étude en hémicycle se fera en janvier 2019).

Affaire à suivre…