L’assistance de l’Avocat pendant la garde à vue : un net recul de la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), réunie en grande chambre, est une fois encore revenue sur le droit à l’assistance par un avocat dans la phase préparatoire de la procédure pénale, pour préciser davantage sa jurisprudence et amoindrir le caractère absolu de ce droit.

Par un arrêt du 9 novembre 2018 rendu contre la Belgique, elle a rappelé et précisé davantage sa position quant à la question de savoir si l’absence d’assistance par un avocat au cours de la garde à vue emporte violation de l’article 6 de la Convention.

Elle a affirmé que, lorsqu’un requérant n’a pas été assisté par un avocat au cours de sa garde à vue, que ce soit en raison de restrictions d’origine législative de portée générale et obligatoire ou de restrictions prises au cas par cas, la violation de l’article 6 de la Convention supposait systématiquement une démarche en deux temps :

  • Tout d’abord, il appartient de rechercher l’existence ou l’absence de raisons impérieuses de restreindre l’assistance par un avocat ;
  • il faut ensuite rechercher si l’équité globale de la procédure a été respectée, ce critère étant examiné différemment selon qu’il y ait ou non des raisons impérieuses. Ce n’est que si l’équité globale de la procédure n’a pas été respecté que le défaut d’assistance par un avocat emporte violation de la Convention.

On pourrait légitimement en conclure que l’absence générale et absolue du droit à l’assistance par un avocat peut être conforme à la Convention si le reste de la procédure a été équitable : il faut pour ce faire, entre autres, que la restriction ne s’applique pas au-delà de la garde à vue, que le suspect soit clairement informé de son droit de garder le silence, que la juridiction de jugement examine l’incidence de l’absence de l’assistance par un avocat sur les déclarations ainsi recueillies, que ces déclarations n’aient pas une place trop importante et, le cas échéant, que les jurés soient informés de la manière dont ils doivent apprécier ces éléments de preuve.

D’une obligation positive de prévoir le droit à l’assistance par un avocat dès le premier interrogatoire de police avec l’admission de restrictions particulières, en découle une admission conditionnée de l’absence générale et absolue de l’assistance par un avocat durant les premiers interrogatoires.

L’évolution n’est plus que regrettable, tant le droit à l’assistance par un avocat dès le début de la garde à vue constituait l’un des acquis les plus importants et les plus marquants de cette décennie.

Le défaut de délivrance d’un permis de communiquer à l’avocat cause nécessairement grief à la personne mise en examen

Par un arrêt en date du 12 décembre 2017, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que le principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat est indispensable à l’exercice des droits de la défense et que le défaut de délivrance d’un permis de communiquer un ou plusieurs avocats désignés, avant le débat contradictoire relatif à la question de la prolongation de la détention provisoire du mis en examen, lui fait nécessairement grief.

En l’espèce, le troisième avocat désigné par une personne détenue n’avait pas pu obtenir un permis de communiquer avant ledit débat contradictoire. Le mis en examen a alors déposé une demande de nullité de l’ordonnance de prolongation de sa détention provisoire devant la Chambre de l’instruction qui l’a rejetée.

La Cour de Cassation est venu censurer cette décision en rappelant que « la délivrance d’un permis de communiquer est indispensable à l’exercice des droits de la défense, peu important que l’avocat concerné ne soit pas celui désigné par la personne mise en examen, conformément à l’article 115 du code de procédure pénale, pour recevoir les convocations et qu’il ait fait savoir qu’il ne pourrait se rendre au prochain débat contradictoire fixé en vue d’une éventuelle prolongation de la détention provisoire ».

Voir la décision : Crim. 12 déc. 2017, Pourvoi n° 17-85.757.