En matière civile, la procédure d’appel revêt de nombreuses spécificités, notamment dans les délais très stricts qu’elle impose aux parties pour faire diligence dont l’appréhension par les praticiens est d’autant plus pénible que les réformes sont nombreuses et se succèdent.
Voici un bref panorama des délais d’appel dont certains seront applicables au 1er septembre 2024.
Délais pour saisir la cour d’appel
Délais pour interjeter appel d’une décision statuant sur le fond
- Le délai général pour interjeter un appel est d’un mois en matière contentieuse (art. 538 CPC).
- En matière gracieuse, le délai d’appel est de quinze jours (art. 538 CPC).
- Pour les ordonnances de référé, le délai d’appel est de quinze jours (art. 490 CPC).
- Le délai d’appel des décisions du juge de l’exécution (JEX) est de quinze jours (art. R121-20 du CPCE)
- En matière de procédure collective, le délai d’appel est généralement de dix jours (art. R661-2 c. com. et R661-3 c. com.).
Délai d’appel d’une décision ne statuant pas sur le fond
- En principe, seuls les jugements qui tranchent en tout ou partie une partie du principal peuvent être frappés d’appel (art. 544 CPC). Les autres jugements ne peuvent être frappés d’appel qu’avec le jugement statuant sur le fond (art. 545 CPC).
- Quelques exceptions toutefois : le jugement statuant sur la compétence et celui ordonnant une mesure d’expertise ou prononçant un sursis à statuer.
Délai pour contester un jugement statuant sur la compétence
- Lorsqu’une juridiction du premier degré s’est prononcée uniquement sur sa compétence, ou qu’elle s’est prononcée sur sa compétence et a ordonné une mesure d’instruction ou une mesure provisoire, la cour d’appel peut être saisie d’un appel portant uniquement sur la compétence (articles 83 à 91 du CPC).
- Cet appel doit être formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement (art. 84 CPC).
- Il faut noter que cet appel est en outre soumis à un régime particulier. La déclaration d’appel doit être motivée, et l’appelant doit, dans le délai d’appel, saisir le premier président afin d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire.
Délai pour contester un jugement ordonnant une expertise ou prononçant un sursis à statuer
- La décision ordonnant une expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement statuant sur le fond (art. 272 CPC), il en est de même de celle prononçant un sursis à statuer (art. 380 CPC). Les deux appels suivent un régime similaire.
- La partie doit toutefois obtenir l’autorisation du premier président en justifiant d’un motif grave et légitime. S’il fait droit à la demande, l’appel sera examiné suivant la procédure à jour fixe (en cas de représentation obligatoire) ou une fixation prioritaire.
- Le demandeur doit faire délivrer l’assignation aux parties adverses dans un délai d’un mois à compter de la décision. Toutefois, la décision doit être prononcée en présence des parties ou celles-ci informées de la date de délibéré, à défaut le délai court à compter de sa notification (Cass. 2e civ., 30 sept. 1998, no96-19.404).
- La fixation du jour à laquelle l’affaire doit être évoquée ne dispense pas la partie de formaliser une déclaration d’appel (Cass. soc., 22 juil. 1986, no83-45.937 ; Cass. soc., 13 juin 2012, no11-12.913), dans le délai d’un mois de l’ordonnance du premier président.1 (Cass. 2e civ., 13 fév. 2003, no01-02.423).
Délai pour saisir la cour d’appel de renvoi après cassation
En cas de cassation, la juridiction de renvoi doit être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt de cassation (art. 902 CPC). Ce délai a été abrégé par le décret no2017-891, il était auparavant de quatre mois.
Délais durant la procédure d’appel
Délai pour se constituer
La partie assignée en cause d’appel dispose d’un délai de quinze jours pour constituer avocat lorsque la procédure est avec représentation obligatoire (art. 902 CPC). Le texte ne prévoit pas de sanction spécifique, toutefois, une ordonnance de clôture peut être rendue une fois ce délai écoulé rendant irrecevable les conclusions de l’intimé postérieures, quand bien même ces dernières auraient été produites dans le délai imparti pour conclure (Cass. 2e civ., 6 juin 2013, no11-25.655).
Délais en procédure ordinaire
Signification de la déclaration d’appel
- Le greffe se charge d’aviser les parties par lettre simple de la déclaration d’appel (art. 902 al. 1 CPC).
Si toutefois le courrier revient au greffe ou si l’une des parties ne constitue pas avocat, le greffier enjoint l’appelant de signifier la déclaration d’appel aux parties n’ayant pas constitué avocat. - Si l’intimé a constitué avocat, il est procédé par voie de notification ; et à défaut par voie de signification à sa personne.
- Avant l’entrée en vigueur du décret no2023-1391 du 29 décembre 2023, le délai était de dix jours (art. 905-1 CPC). Le texte ne prévoyait que la communication de la déclaration d’appel, c’est la pratique qui y ajoutait l’avis de fixation.
Délais pour conclure en procédure ordinaire
- Depuis l’ordonnance n°2017-891, les parties à l’appel disposent du même délai de trois mois en procédure ordinaire pour conclure et remettre leurs conclusions au greffe, ainsi que pour notifier leurs conclusions aux autres parties. En revanche, les points de départ divergent.
- L’appelant dispose d’un délai d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel, pour conclure et remettre ses conclusions au greffe (art. 908 CPC).
- L’intimé dispose également d’un délai de trois mois à compter des conclusions de l’appelant, pour conclure en réponse (art. 908 CPC). Le délai dont disposait l’intimé était auparavant de deux mois, mais il a été aligné sur le délai applicable à l’appelant par le décret n°2017-891.
Pour l’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué, le délai trois mois court à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué (art. 910 CPC). - S’agissant de l’intervenant forcé, le délai de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe court à compter de la notification de la demande en intervention forcée (art. 910 al. 1 CPC).
Enfin, l’intervenant volontaire dispose d’un délai de trois mois pour conclure à compter de son intervention volontaire (art. 910 al. 2 CPC). - En pratique, on parle de toujours de « délai pour conclure » bien que, formellement, depuis le décret n°2017-891 le terme exact du code soit « pour remettre ses conclusions au greffe »². L’obligation est en fait triple, de première part prendre les conclusions (ce qui est présupposé), de deuxième part les déposer au greffe et de troisième part les communiquer aux parties (modalités et délais développés infra).
Délais en procédure à bref délai
- La procédure à bref délai est prévue, depuis le 1er septembre 2024, par l’article 906 du CPC ; elle figurait à l’article 905 du CPC avant le décret no2023-1391 du 29 décembre 2023. Elle peut être ordonnée lorsque l’affaire présente un caractère d’urgence.
- C’est également la procédure d’appel d’un certain nombre de décisions, notamment lorsqu’il porte sur une ordonnance de référé, un jugement rendu suivant la procédure accélérée au fond (anciennement : « procédure en la forme des référés »), ou une ordonnance rendue par le juge de la mise en état et susceptible d’appel indépendamment du jugement statuant sur le fond.
Signification de la déclaration d’appel et de l’avis de fixation
- Le greffe adresse à l’appelant l’avis de fixation à bref délai. Depuis le 1er septembre 2024, l’appelant dispose alors de vingt jours pour communiquer la déclaration d’appel et l’avis de fixation à la partie adverse (art. 906-1 CPC).
- Si l’intimé a constitué avocat, il est procédé par voie de notification ; et à défaut par voie de signification à sa personne.
- Avant l’entrée en vigueur du décret no2023-1391 du 29 décembre 2023, le délai était de dix jours (art. 905-1 CPC). Le texte ne prévoyait que la communication de la déclaration d’appel, c’est la pratique qui y ajoutait l’avis de fixation.
Délais pour conclure en procédure à bref délai
- Depuis le 1er septembre 2024, le délai imposé aux parties pour conclure est en principe de deux mois (art. 906-2 CPC). Auparavant, il était d’un mois, à moins que la cour n’ait imparti d’office des délais plus courts (art. 905-2).
- Pour l’appelant, ce délai court à compter de l’avis de fixation à bref délai (art. 906-2 al. 1). À défaut d’ordonnance de fixation, le délai ne court pas à l’encontre de l’appelant (Cass. 2e civ., 13 jan. 2022, no20-18.121).
- Pour les autres parties, savoir l’intimé, l’intimé à l’appel incident ou à l’appel provoqué et l’intervenant forcé, le délai court à compter de la notification des conclusions, selon le cas, de l’appelant, de celles comportant appel incident ou provoqué, de la demande d’intervention en intervention forcée (art. 906-2 al. 2 à 4). Lorsque l’affaire est soumise de plein droit à la procédure à bref délai ; le délai court à l’encontre de l’intimé dès la notification des conclusions, même en l’absence d’avis de fixation (Cass. 2e civ., 22 oct. 2020, no18-25.769).
- Pour l’intervenant volontaire, le délai court à compter de son intervention volontaire (art. 906-2 al. 4).
Délais en procédure de renvoi après cassation
En cas de renvoi devant une cour d’appel, l’affaire est jugée « dans les conditions de l’article 906 » (art. 1037-1 CPC).
Signification de la déclaration de saisine
- L’auteur de la déclaration de saisine doit la signifier aux autres parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation, dans un délai de vingt jours à compter de la notification par le greffe de l’avis de fixation (art. 1037-1 al. 2 CPC).
- Avant l’entrée en vigueur du décret no2023-1391 du 29 décembre 2023, le délai était de dix jours (art. 1037-1 CPC).
Délais pour conclure après renvoi
- Les parties disposent d’un délai de deux mois pour conclure. Le point de départ de ce délai varie suivant les parties (art. 1037-1 al. 3 à 7 CPC).
Pour l’auteur de la saisine, il court à compter de la déclaration de saisine.
Pour les parties adverses, il court à compter de la notification des conclusions de l’auteur de la signification. - Faute pour les parties de conclure dans ce délai, elles sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qui avaient été soumises à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.
L’intervenant forcé et l’intervenant volontaire se voient appliquer le même délai de deux mois, il court suivant la demande d’intervention forcée ou de l’intervention volontaire. - Faute pour l’intervenant volontaire ou forcé de conclure dans ce délai, ses conclusions sont irrecevables.
Délais pour communiquer les conclusions et pièces aux parties
La partie ne doit pas se contenter de conclure ni de remettre ses conclusions au greffe, elle doit également les communiquer aux autres parties. Les modalités et délais sont différents suivant que la partie est constituée ou non.
Communication des conclusions
Notification des conclusions aux parties constituées
- S’agissant des parties constituées, la notification est faite aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe, soit trois mois en procédure ordinaire, deux mois3 en procédure à bref délai et deux mois en cas de procédure de renvoi après cassation (art. 915-1 CPC).
- La justification de la notification des conclusions doit être remise au greffe (2e alinéa).
Signification des conclusions aux parties défaillantes
- S’agissant des parties non constituées, les conclusions doivent leur être signifiées par voie d’huissier dans le délai d’un mois suivant l’expiration du délai dont elles disposaient pour remettre leurs conclusions au greffe (article 906-2 CPC en procédure à bref délai et article 911 CPC en procédure avec mise en état).
- Le délai d’un mois court à compter de la fin du délai prévu pour déposer les conclusions au greffe, et non de la date de leur remise effective si elle a été effectuée avant l’expiration de ce délai (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, no12-20.529).
- Le délai pour signifier les conclusions aux parties défaillantes est donc de quatre mois en procédure ordinaire, et de trois mois en procédure à bref délai et en procédure de renvoi après cassation.
Délai pour communiquer les pièces
- La communication des pièces n’a lieu d’être que pour les parties constituées ; la communication des pièces à l’intimé défaillant n’est pas nécessaire (Cass. 2e civ., 6 juin 2019, no18-14.432).
- Depuis le 1er janvier 2011, toutes les pièces doivent être communiquées en cause d’appel, y compris celles qui avaient déjà été échangées au cours de la première instance (art. 132 CPC).
L’article 915-1 du CPC4 dispose que les pièces doivent être communiquées « simultanément » avec les conclusions aux avocats de chacune des parties constituées. Toutefois, cet article ne prévoit pas de sanction.
Cela n’avait pas empêché, dans un premier temps, la Cour de cassation de rendre un avis au terme duquel elle considérait que les pièces qui n’avaient pas été communiquées simultanément à la notification des conclusions devaient être écartées (Cass., avis, 25 juin 2012, nos12-00.005 12-00.006 et 12-00.007). - Fort heureusement, cet avis, peu compatible avec la pratique, n’a pas été suivi. Un premier arrêt de la deuxième chambre civile vint rappeler que seul le défaut de production des conclusions était susceptible d’entraîner la caducité de l’appel, et non le défaut de communication des pièces, et qu’il suffisait que celles-ci aient « été communiquées en temps utile » (Cass. 2e civ., 30 jan. 2014, no12-24.145). La Cour de cassation a ensuite « enfoncé le clou » par un arrêt rendu en assemblée plénière : seule compte la communication en temps utile (Cass. plén., 5 déc. 2014, no13-19.674).
Délai pour former un appel incident ou provoqué
- L’intimé peut former un appel incident ou un appel provoqué dans le même que celui qui lui est imparti pour conclure, soit trois mois en procédure ordinaire (art. 909 CPC) et deux mois, en principe, en procédure à bref délai (art. 906-2 CPC)
- Le délai court à compter des conclusions d’appel de la partie adverse, dès lors que l’appel incident ou provoqué découle du contenu de ces écritures (Cass. 2e civ., 3 déc. 2015, no14-23.834).
Délai pour solliciter un retrait du rôle pour défaut d’exécution
- L’article 524 du code de procédure civile (il s’agissait avant le 1er janvier 2020 de l’article 526) permet à l’intimé de solliciter la radiation du rôle de l’appel lorsque l’appelant n’a pas exécuté la décision d’appel qui bénéficiait de l’exécution provisoire.
- Depuis le décret n°2017-891, il doit former sa demande dans le délai qui lui est imparti pour conclure, soit trois mois en procédure ordinaire et un deux mois lors d’une procédure à bref délai.
Computation et augmentation des délais
Point de départ du délai pour conclure
Point de départ du délai de l’appelant
- Le délai dont dispose l’appelant pour conclure court à compter du jour où il effectue la déclaration d’appel, et non celui auquel il est enregistré par le greffe (Cass. 2e civ., 5 juin 2014, no13-21.023 ; Cass. 2e civ., 6 déc. 2018, no17-27.206).
- Lorsque l’appel est formé par courrier, le délai court à compter du jour de l’expédition de la lettre recommandée avec avis de réception comportant la déclaration (Cass. 2e civ., 8 jan. 2020, no18-24.107).
- En cas de déclarations d’appel multiples, par exemple pour rectifier une première déclaration d’appel, il semblerait que le point de départ à retenir soit celui de la première déclaration d’appel (Cass. 2e civ., 21 jan. 2016, no14-18.631).
Point de départ du délai de l’intimé
- Le point de départ du délai pour conclure pour l’intimé est la date à laquelle lui ont été transmises les conclusions de l’appelant.
- En règle générale, celles-ci sont signifiées à l’avocat constitué par voie électronique. Dans la pratique, le serveur de messagerie RPVA de l’avocat émet un avis lors de la réception des conclusions ; c’est la date de cet avis qui fixe le point de départ (Cass. 2e civ., 21 jan. 2016, no14-29.207).
- Lorsque les conclusions de l’appelant ont été signifiées directement à l’intimé en application de l’article article 906-2 du CPC ou de l’article 911, le point de départ est fixé à la date de cette signification (Cass., avis, 9 sept. 2013, no14-70.008).
Règles générales de computation
- Les règles générales de la computation des délais en matière civile tels que prévus par les articles 640 et suivants du CPC s’appliquent aux délais de la procédure d’appel.
- Ainsi, lorsqu’un délai est exprimé en jours, le jour de l’acte qui fait courir le délai (le dies a quo) ne compte pas, et le délai expire à la dernière heure du dernier jour. Lorsque le délai est exprimé en mois, il expire le même quantième que le jour qui fixe le point de départ du délai ; à défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
- Une exception sur le dies a quo en matière de déféré : le délai court à compter de la date de l’ordonnance et ce jour compte dans le délai (Cass. 2e civ., 30 juin 2022, no21-12.865).
- Les règles de l’article 642 s’appliquent également. Le délai expire le dernier jour à 24 heures. Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ce délai est prorogé au premier jour ouvrable suivant. Cela a été confirmé par la Cour de cassation en matière de délai d’appel (Cass. 3e civ., 13 juin 1984, no82-12.510), et est admis par les cours d’appel en matière de délai imposé pour remettre les conclusions au greffe (p. ex. : CA Aix-en-Provence, 20 sept. 2016, no15/17389).
Aménagement judiciaire de certains délais
- Le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, en vigueur au 1er septembre 2024, a introduit la possibilité de demander un allongement ou une réduction des délais impartis pour conclure
Cette demande doit être adressé, en procédure à bref délai, au magistrat chargé de l’instruction (art. 906-2 CPC), et, en procédure avec mise en état, au conseiller de la mise en état (art. 911 CPC). - Cet aménagement peut également être prononcé d’office.
- Dans tous les cas, il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours.
Augmentation des délais pour les collectivités d’outre-mer et l’étranger
- Les délais sont rallongés d’un mois pour la partie qui demeure en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélémy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie ou dans les Terres australes et antarctiques françaises, alors que la juridiction saisie ne se trouve pas dans cette même collectivité. Il en est de même pour les personnes résidant en métropole lorsque la juridiction compétente se trouve dans l’une de ces communautés.
- Pour les personnes demeurant à l’étranger, les délais sont rallongés de deux mois. Cette augmentation s’applique au délai pour former appel (art. 643 CPC et 644 CPC).
- En revanche, les délais de distance ne s’appliquent pas à la déclaration de saisine (Cass. 2e civ., 4 fév. 2021, no19-23.638), ni à la requête en déféré (Cass. 2e civ., 11 jan. 2018, no16-23.992 ; Cass. 2e civ., 4 juin 2020, nos18-23.248 et 18-23.249).
- L’augmentation des délais s’applique à certains délais durant la procédure d’appel (article 915-4 du CPC ; ces dispositions figuraient à l’article 911-2 du CPC avant le décret no2023-1391 du 29 décembre 2023) :
– au délai pour signifier la déclaration d’appel en procédure avec MEE, fixé à l’article 902, ainsi qu’en procédure à bref délai, prévu par l’article 906-1 al. 1 ;
– au délai dont dispose l’appelant pour conclure en procédure avec MEE, fixé à l’article 908, ainsi qu’en procédure à bref délai, prévu par l’article 906-2 ;
– au délai laissé à l’intimé et à l’intervenant forcé pour conclure et former un appel incident ou appel provoqué, fixé aux articles 909 et 910 en procédure avec MEE, et 906-2 en procédure à bref délai.
Effet d’un incident de procédure sur les délais pour conclure
L’infirmation de l’irrecevabilité de la déclaration d’appel
Lorsque la Cour d’appel infirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état qui avait, dans un premier temps, déclaré irrecevable la déclaration d’appel, l’appelant dispose dès lors d’un nouveau délai pour conclure (Cass. 2e civ., 14 nov. 2019, no18-23.631).
Radiation pour défaut d’exécution provisoire
- L’article 524 du CPC traite différemment l’appelant de l’intimé en cas de radiation du rôle pour non exécution de la décision frappée d’appel.
- Les délais impartis à l’intimé pour conclure et former appel incident sont suspendus (mais non interrompus) par la demande de radiation. S’il y fait droit, les délais sont suspendus jusqu’à la notification de la décision autorisant la réinscription de l’affaire au rôle de la cour. À défaut, ils reprennent leur cours dès la notification de la décision qui rejette la demande de radiation pour défaut d’exécution.
- En revanche, pour l’appelant, les délais pour conclure ou former incident ne sont pas suspendus par la demande ni même la décision de radiation.
- Il faut noter enfin que l’article 524 dispose que la péremption de l’instance « est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter ». Cette approche est distincte de celle habituellement retenue en matière de péremption d’instance, où la jurisprudence exige un acte qui fasse partie de l’instance et la continue (Cass. 2e civ., 17 mars 1982, no79-12.686). Sous l’appréciation de l’article 386 du CPC, la Cour de cassation avait, par exemple, jugé que l’exécution d’un jugement avant dire droit (Cass. 2e civ., 4 juin 1993, no91-20.428) ou le versement d’acomptes de loyers dans une instance relative à la fixation de leur montant (Cass. 3e civ., 2 mars 1982, Inédit) ne constituaient pas des actes interruptifs du délai de péremption.
L’interruption des délais en cas de MARD
- La décision d’ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident. L’interruption produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur (art. 915-3 CPC ; auparavant à l’art. 910-2 CPC). Il en est de même de la décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur jusqu’à expiration du délai qui leur était imparti parties pour le rencontrer.
- Le recours à une procédure participative entre toutes les parties à l’instance d’appel interrompt également les délais impartis pour conclure et former appel incident. L’interruption produit ses effets depuis l’information donnée au juge de la conclusion de la convention de procédure participative jusqu’à ce qu’il soit informé de l’extinction de cette procédure (art. 915-3 CPC ; auparavant à l’art. 1546-2 CPC).
- Il faut toutefois bien noter que cette interruption des délais est sans effets sur la péremption d’instance (art. 386 et s. CPC) dont le cours se poursuit, encore qu’une mesure alternative de règlement des différends ait été mise en place.
Incidence d’une demande d’aide juridictionnelle
Pour l’appelant : interruption du délai d’appel
- L’article 43 du décret no2020-1717 du 28 décembre 20205 prévoit que le délai d’appel est interrompu par le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle. Le recours est supposé avoir été intenté dans le délai lorsque la demande d’aide juridictionnelle a été formée dans le délai du recours et si, à compter de la décision du bureau d’aide juridictionnelle, le recours a été introduit dans le délai.
- L’interruption joue que la demande d’aide juridictionnelle ait été acceptée ou non. Le point de départ pour introduire le recours part, soit de la notification de la décision d’admission à l’aide juridictionnelle ou de la date de la désignation d’un auxiliaire de justice (avocat, huissier) si elle est postérieure, soit de la notification de la décision constatant la caducité de la demande, soit de la date à compter de laquelle le demandeur ne peut plus constater la décision du bureau d’aide juridictionnelle, soit, s’il exerce un recours contre la décision du bureau, la notification de la décision relative à ce recours.
- Concrètement, s’agissant du délai général d’appel qui est d’un mois à compter de la signification de la décision, une partie dispose donc d’un mois, à compter de la signification, pour déposer une demande d’aide juridictionnelle, puis, à compter de la décision du bureau d’aide juridictionnelle, d’un mois pour interjeter appel.
- Il est à noter que cette modalité est en vigueur depuis le 1er janvier 2017 du fait du décret no2016-1876 du 27 décembre 2016. Auparavant, le délai d’appel n’était pas interrompu par la demande d’aide juridictionnelle, à l’inverse, les délais impartis pour conclure couraient à compter de la décision du bureau d’aide juridictionnelle (dispositions de l’ancien article 38-1 du décret no91-1266).
Cette modification a l’avantage de faire courir les délais pour conclure de manière uniforme à compter de la déclaration d’appel et de permettre aux parties d’être fixées sur leur admission à l’aide juridictionnelle dès l’introduction du recours, ce qui a son intérêt, notamment, pour ce qui est du droit de timbre prévu à l’article 1635 bis P du CGI. Elle a cependant l’inconvénient de laisser croire à une partie que la décision n’est plus susceptible de recours puisqu’elle n’aura pas nécessairement connaissance du dépôt de la demande d’aide juridictionnelle, ni, a fortiori, de la décision du bureau d’aide juridictionnelle. - La Cour de cassation a estimé que l’absence de report, pour l’appelant bénéficiant de l’aide juridictionnelle, du point de départ pour la remise de ses conclusions au greffe ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge d’appel, ni ne le place dans une situation de net désavantage par rapport à l’intimé qui bénéficie d’un tel report pour conclure ou former appel incident (Cass. 2e civ., 13 avr. 2023, no21-23.163).
Pour l’intimé : interruption du délai pour conclure
- Le 6e alinéa de l’article 43 du décret no2020-1717 du 28 décembre 2020 prévoit également une interruption des délais impartis à l’intimé pour qu’il conclue ou forme un appel ou recours incident.
- De manière similaire à ce qui est prévu pour l’appelant, le délai qui lui est normalement impartit est interrompu par le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, et il ne recommence à courir qu’une fois la décision rendue.
Cause étrangère et force majeure
La cause étrangère rendant impossible la communication électronique
- En matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, la communication électronique est obligatoire (art. 930-1 CPC).
Ce même article dispose que, lorsqu’une « cause étrangère » rend impossible l’accomplissement de l’acte par voie électronique, il est établi sur support papier.
Il appartient à celui qui se prévaut de l’impossibilité d’effectuer la diligence par voie électronique d’établir la « cause étrangère ». Des attestations faisant apparaître l’impossibilité pour l’avocat de formaliser l’appel par voie électronique et ne démontrant pas « un dysfonctionnement du système de communication électronique » ne justifie pas d’une cause étrangère (CA Lyon, 29 jan. 2013, no12/07947). - Le fait de ne pas disposer d’une clé RPVA active, sans démontrer que « cette désactivation soit la conséquence d’une difficulté technique échappant au conseil »6 ne constitue pas non plus une cause étrangère (CA Rennes, 27 jan. 2017, n°16/04283).
En revanche, l’impossibilité de transmettre des conclusions en raison de leur taille supérieure à la limite technique posée par le RPVA7 constitue une cause étrangère, dans la mesure où aucun texte ne contraint les parties à limiter la taille de leurs envois, ni à le scinder en plusieurs messages (Cass. 2e civ., 16 nov. 2017, no16-24.864). - L’article 748-7 prévoit que lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique le dernier jour du délai pour une cause étrangère à celui qui accompli l’acte, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
- Cette prorogation s’applique de manière assez large, y compris lorsque la communication électronique n’est pas obligatoire (Cass. 2e civ., 17 mai 2018, no17-20.001).
La force majeure empêchant de conclure dans les délais impartis
- Le décret no2017-891 du 6 mai 2017 a voulu créer un aménagement à la rigueur des délais imposés par le code, dont l’effet demeure pour l’heure sommes toutes très relatif. Il avait inséré un nouvel article 910-3 qui permet au président de la chambre ou au conseiller de la mise en état d’écarter la sanction de la caducité en cas d’irrespect du délai imparti aux parties pour remettre leurs conclusions au greffe et les notifier aux parties adverses.
- La notion de « force majeure » n’était toutes pas définie. La deuxième chambre civile a donné sa définition de la force majeure en procédure civile : il s’agit d’une circonstance non imputable au fait d’une partie et qui revêt pour elle un caractère nsurmontable (Cass. 2e civ., 25 mars 2021, no20-10.654 ; Cass. 2e civ., 2 déc. 2021, nos 20-18.732 à 20-18.736 et 20-18.743 à 20-18.753). Ce n’est donc pas tout à fait la même définition que celle donnée par le code civil et interprétée par la Cour de cassation en matière contractuelle ou délictuelle qui repose sur le double critère d’imprévisibilité et d’irrésistibilité ; en procédure civile il faut retenir non-imputabilité et insurmontabilité.
- Le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023 a consacré cette définition ; elle est désormais reprise à l’article 906-2 en procédure à bref délai, et à l’article 911 en procédure avec mise en état.
Les cas d’application sont encore rares. À signaler toutefois une décision rejetant la force majeure lorsqu’une partie est hospitalisée entre tout le temps du délai imparti pour conclure, la cour d’appel retenant que l’hospitalisation ne l’avait pas empêché d’interjeter appel, ce dont elle déduisait qu’elle aurait pu conclure dans les délais de l’article 908 (Cass. 2e civ., 14 nov. 2019, no18-17.839). - La deuxième chambre civile a également considéré qu’il n’y avait pas de force majeure lorsque le concluant est dans l’attente d’un document nécessaire à l’établissement de ses conclusions ; cela ne constituant pas une circonstance l’empêchant de conclure (Cass. 2e civ., 25 mars 2021, no20-10.654).
Elle a également approuvé la cour d’appel qui avait considéré que l’impossibilité physique de travailler pour raison de santé de l’avocat de l’appelant ne constituait pas un cas de force majeure estimant que l’importance du cabinet où travaillait cet avocat aurait dû permettre de suppléer à son empêchement.
Abondance de réformes
- Décret no2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, en vigueur le 1er janvier 2011.
- Décret no2010-1647 du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile
- Décret no2012-634 du 3 mai 2012 relatif à la fusion des professions d’avocat et d’avoué près les cours d’appel ; en matière de procédure d’appel, ce décret a surtout modifié les références au terme de « avoué » pour le replacer par celui de « avocat », la profession d’avoué ayant disparu à l’occasion d’une fusion avec celle des avocats en application de la loi no2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel.
- Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, applicable aux appels introduits à compter du 1er août 2016. Ce décret modifie l’article R1461-2 du code du travail qui dispose désormais que l’appel des décisions du conseil de prud’hommes est « formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire », soumettant ainsi la procédure d’appel en matière prud’homale aux même délais que les autres appels en matière civile et commerciale.
- Décret no2016-1876 du 27 décembre 2016 portant diverses dispositions relatives à l’aide juridique, en vigueur depuis le 1er janvier 2017 pour les dispositions relatives aux délais en appel. Ce décret modifie le décret no91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l’aide juridique et change l’incidence du dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle sur l’écoulement des délais de procédure.
- Décret no2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, en vigueur le 1er septembre 2017. Ce décret modifie assez grandement la procédure d’appel, en redéfinissant la notion d’effet dévolutif de l’appel : l’appel ne peut plus être général, et doit porter sur certains chefs du jugement identifiés par les parties. Il oblige en outre les parties à présenter dès leurs premières conclusions l’ensemble de leurs prétentions. Il modifie d’autres points, et notamment plusieurs délais de procédure. Il supprime le contredit, et le remplace par l’appel statuant sur la compétence.
- Décret no2017-1227 du 2 août 2017 modifiant les modalités d’entrée en vigueur du décret no2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile.
- Décret no2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, applicable à compter du 1er janvier 2020, qui, en réformant les modalités relatives à l’exécution provisoire, a modifié la numérotation de certains articles applicables en appel, ainsi que la procédure d’arrêt de l’exécution provisoire devant le premier président.
- Décret no2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile, applicable à compter du 1er septembre 2024, nouvelle rustine à la procédure d’appel, modifie certaines formalités, réécrit certains articles, apporte quelques précisions et modifie certains délais de la procédure à bref délai.
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Notes :
1 La référence à l’ordonnance du premier président comme point de départ du délai pour formaliser la déclaration d’appel résulte très clairement de l’attendu de principe de l’arrêt de la 2e chambre civile rendu sur le fondement de l’article 380 CPC. Toutefois, cet article lorsqu’il fait référence au délai d’un mois vise « la décision » également interprétée comme étant la décision dont appel.
2 L’expression « pour remettre ses conclusions au greffe » remplace depuis le 1er septembre 2017 l’expression « pour conclure » aux articles 908, 909 et 910 et est celle retenue à l’article 905-2. Toutefois, les articles 910-2 et 912, pourtant également modifiés par le décret n°2017-891, conservent la formulation « pour conclure », qui est également celle adoptée pour l’article 1546-2 créé par ce décret.
3 Applicable au 1er septembre 2024, un mois auparavant.
4 Avant le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, ces dispositions figuraient à l’article 906 du CPC
5 Cela résultait auparavant de l’article 38 du décret n°91-1266 du 10 juillet 1991.
6 Ce n’est pas dit explicitement dans l’arrêt de la cour d’appel, mais il semble que la raison de la désactivation réside dans l’expiration de la clé. L’avocat avait commandé une nouvelle clé le jour où il régularisait son appel, soit le 2 juin 2016, mais il semble qu’elle ne lui avait pas été livrée le 29 août 2016, date à laquelle il informait les autres avocats de la désactivation de sa clé, ni le 7 septembre, date à laquelle il communiquait ses conclusions par voie électronique (une demande d’aide juridictionnelle avait été déposée, ce qui avait repoussé le délai imparti à l’appelant pour conclure. À l’époque, une telle demande était en effet interruptive des délais pour conclure, ce n’est plus le cas désormais).
7 À l’époque, les échanges avec les juridictions étaient limités à 4 Mo, ce qui peut dans certains cas s’avérer, en effet, insuffisant.
Abréviations :
CPC = Code de procédure civile
CGI = Code Général des Impôts
MARD = Modes amiables et alternatifs de règlement des différends
MEE = Mise en état
RPVA = Réseau privé virtuel des Avocats