Expulsion d’un ressortissant algérien : la CEDH condamne la France

Membre de la mouvance islamiste ayant combattu les autorités algériennes durant la guerre civile, le requérant, activement recherché, a quitté l’Algérie en 1999 pour se réfugier en Espagne, puis en France. Impliqué dans le réseau terroriste dit de la « filière tchétchène », il était condamné en juin 2006 à une peine de sept ans d’emprisonnement, ainsi qu’à une interdiction définitive du territoire français (ITF).

Extrait de prison en février 2010, il était conduit dans un centre de rétention administrative pour exécution de la mesure d’ITF.

Poursuivi de fait pour avoir entravé la mesure d’expulsion, il était condamné en mars 2010 à deux mois d’emprisonnement. Son conseil a saisi la CEDH d’une demande de mesure provisoire : le gouvernement français se voyait enjoindre de ne pas procéder à l’expulsion pour la durée de la procédure devant la Cour européenne. Le requérant était ultérieurement libéré, puis assigné à résidence.

Le 1er juillet 2014, la CEDH déclarait finalement sa requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et, en conséquence, la mesure provisoire prenait fin (CEDH 1er juill. 2014, M. X. c. France, n° 21580/10).

Le 4 novembre 2014, les services de l’administration faisaient savoir au requérant que son expulsion était donc à nouveau envisagée : l’intéressé déposait sur ces entrefaites une demande d’asile. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetait cette demande, suivant une procédure d’examen prioritaire, le 17 février 2015 : à cette date, plus rien ne s’opposait à la mesure d’éloignement.

Le 20 février 2015 au matin, alors qu’il se rendait au commissariat dans le cadre des obligations de son assignation à résidence, le requérant se voyait notifier la décision de l’OFPRA : deux autres arrêtés, l’un abrogeant l’assignation à résidence et l’autre fixant l’Algérie comme pays de destination, étaient concomitamment portés à sa connaissance. Les autorités françaises exécutaient sans délai la mesure d’éloignement en conduisant l’intéressé vers l’aéroport de Roissy. Son avocate saisissait sur-le-champ la CEDH d’une nouvelle demande de mesure provisoire : la Cour intimait au gouvernement français de ne pas procéder à l’expulsion avant le 25 février suivant.

Le requérant soutenait que son expulsion l’exposait à un risque sérieux de traitements contraires à l’article 3 de la Convention car le gouvernement algérien était informé de sa condamnation en France pour des faits liés au terrorisme islamiste. Il protestait également contre le comportement des autorités françaises qui l’avaient remis aux autorités algériennes en violation de la mesure provisoire ordonnée par la CEDH. Surabondamment, le requérant, marié religieusement avec une ressortissante française avec laquelle il avait eu trois enfants, invoquait son droit au respect de la vie privée et critiquait les répercussions indirectes de cette situation pour sa famille.

Aux termes d’une jurisprudence constante et élaborée au visa de l’article 3 de la Convention, le renvoi d’un individu vers un pays où il risque d’être soumis à des actes de torture ou à des traitements inhumains ou dégradants engage la responsabilité de l’État qui procède à l’expulsion. Ce principe a conduit la CEDH à condamner l’expulsion vers les États-Unis d’une personne qui y risquait la peine de mort (CEDH 7 juill. 1989, Soering c. Royaume-Uni, série A n° 61).

Au visa de l’article 34 de la Convention, la CEDH constate également que la mesure provisoire qu’elle avait ordonnée n’a pas été respectée par le gouvernement français. Outre l’expulsion immédiate du requérant, elle observe de surcroît que la décision de l’OFPRA n’a été notifiée à l’intéressé qu’au jour de son expulsion (c’est-à-dire le 20 février 2015, soit trois jours après qu’elle ait été rendue), et ce alors même que les modalités d’expulsion avaient déjà été intégralement programmées. Pour la Cour, les autorités françaises ont créé des conditions dans lesquelles le requérant ne pouvait que très difficilement la saisir d’une demande de mesure provisoire amoindrissant ipso facto le niveau de protection des droits énoncés par la Convention. Il ne s’agit pas là de la première fois que la Cour condamne un Etat membre pour avoir ainsi expulsé des personnes soupçonnées de terrorisme malgré l’octroi de mesures provisoires (v. not., mutatis mutandis, CEDH 4 févr. 2005, Mamatkulov et Askarov c. Turquie).

Voir la décision : CEDH 1er févr 2018, MA c. France, req. n° 9373/15.

La circulaire Valls portant sur la régularisation des sans papiers : quelques nouvelles avancées

Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls publie mercredi 28 novembre une circulaire très attendue sur les critères de régularisation des sans-papiers, dont le volet « famille » est en deçà des attentes des associations qui notent toutefois des « avancées » ponctuelles. La circulaire, qui sera présentée en Conseil des ministres, répond à une promesse de campagne de François Hollande: définir des critères de régularisation « objectifs » et « clairs » pour mettre un terme à l’arbitraire des préfectures.

La version finale, communiquée à l’AFP, prévoit notamment de donner un titre de séjour aux parents présents depuis au moins cinq ans en France ayant un enfant scolarisé depuis au moins trois ans. Or, en 2006, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait ouvert la régularisation aux parents présents depuis deux ans avec un enfant scolarisé pendant un an. Face à l’afflux des demandes (33.000), il avait fermé le dispositif après 7.000 régularisations. Mais les associations militaient pour en revenir à ces règles.

Le sort des jeunes de 18 ans pourrait également faire débat. La nouvelle circulaire prévoit de leur donner un titre de séjour s’ils peuvent prouver deux ans de scolarisation « assidue et sérieuse » en France. Une première mouture du texte avait fait état d’un critère de trois ans. Le Réseau Education sans Frontière (RESF) militait pour une régularisation de tous les lycéens sans-papiers.

Ceux qui n’auront que trois ans de présence pourront être régularisés s’ils ont travaillé 24 mois sur cette période, dont huit mois au cours de la dernière année. Les règles actuelles – appliquées de manière très inégales selon les préfectures – imposent cinq ans de présence et au moins douze mois chez le même employeur.

Se posera la question de son application dans les Préfectures…